Interview du photographe engagé Romain Laurendeau, Prix ISEM 2019
Le Prix ISEM 2019 (ImageSingulières, ETPA, Médiapart) de la photographie documentaire a été attribué à Romain Laurendeau pour son travail Génération Mister Nice Guy : une jeunesse sous emprise, traitant des conséquences de la drogue de synthèse auprès des jeunes Cisjordaniens.
Ce prix de 8000 euros va permettre à Romain Laurendeau de poursuivre son travail actuellement toujours en cours. Avant qu’il ne reparte, cet ancien de l’ETPA s’est confié au sujet de son parcours et ses projets de photographe engagé.
"J’ai fait des études de physique chimie en Auvergne. Puis après un tournant dans ma vie je me suis dirigé vers l’ETPA où j’ai fait les 2 premières années du cursus praticien photographe. J’ai beaucoup appris techniquement, l’école a donné des cordes à mon arc.
Ensuite il y a eu une dizaine d’années où je continuais à faire de la photo en parallèle de petits jobs. En même temps j’ai contracté une maladie rare, le kératocone, qui est une dégénérescence de la cornée. Durant cette période j’ai fait beaucoup de photos introspectives et des recherches photographiques ; cette maladie ne permettait pas d’être autonome et avait pour finalité la cécité. J’ai subi une transplantation cornéenne, qui m’a permis de renaître !
Après cette opération, je me suis lancé avec un "eportage test" lors de l’anti G20 à Nice ; j’ai adoré ! J’ai passé 2 jours avec eux à vivre comme eux et découvrir des milieux que je ne connaissais pas. Sur place, j’ai rencontré un Sénégalais qui m’expliquait ce qui se passait dans son pays à l’époque, j’ai donc décidé de partir au Sénégal. Durant 3 ans, j’ai raconté les élections, je suis parti dans un village avec des chercheurs d’or, j’ai rencontré des femmes courage qui fumaient des poissons sur la plage.
Puis, par envie de découvrir et de raconter le monde, je me suis décidé à repartir vers de nouveaux horizons. J’essaye toujours de dépasser cette recherche de confort, de ne pas m’y installer car autrement on prend moins de risque et lorsque l’on est en recherche photographique il faut avoir cette envie forte d’aller toujours plus loin.
J’ai fait des petits séjours de 3 mois, notamment en Algérie où j’ai été invité à vivre chez l’habitant. C’était une période d’élections. Lorsque je suis arrivé, j’étais neutre dans un pays complétement étranger à moi-même. Pendant 5 ans, je me suis attaché à raconter une jeunesse dans les quartiers populaires. Aujourd’hui je suis arrivé au bout d’un problématique que j’ai voulu raconter ; celle-ci a été clôturée par les marches qui se passent en ce moment, et qui valident tout mon travail. Tout mon ressenti sur ce qui me paraissait important est ce qui a déclenché ces événement.
Aujourd’hui, je repars vers d’autres projets ; je me dirige vers la Palestine qui connaît une autre problématique. Ce prix va m’aider à poursuivre ce travail en me laissant une totale liberté de choix. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de faire de la photographie. C’est une grande satisfaction que de voir mes projets aboutir mais aussi de pouvoir participer en tant qu'intervenant à l’ETPA ! C’est une belle continuité."