En tête-à-tête avec John Trotter
Le Samedi 12 mai dernier John Trotter, photographe professionnel, a reçu le Grand Prix ImageSingulières / ETPA / Médiapart au Festival ImageSingulières de Sète. C'est devant une salle comble que cet américain du Missouri s'est exprimé en français. L'émotion était palpable, à la hauteur du travail de l'artiste. Nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec lui, en voici le récit.
Un parcours poignant enpreint de tenacité
"Après mes études à l'université du Missouri, j'ai commencé à travailler en tant que photographe de presse nationale et internationale durant 14 ans.
Le 24 mars 1997, lors d'un reportage à Sacramento en Californie, un groupe de jeune m'agresse sauvagement, me volent mes films et me laissent pour mort, baignant dans mon sang sur le bord de la route. Ayant de graves blessures au cerveau, j'ai passé plusieurs années dans un centre de rétablissement où j'ai dû réapprendre à vivre, à marcher, à appréhender comment retrouver la mémoire et surtout à apprendre de nouveau le métier de photographe.
Une épreuve comme compagne de vie
Lors de ce séjour, je suis revenu à la photographie documentant mon agression et ma nouvelle vie. Cela m'a beaucoup aidé à comprendre les expériences que je vivais. Ma vision du monde ayant totalement changé après l'agression, je me suis senti comme réincarné. Ce travail m'a aidé à connecter mes 2 vies, un peu comme si je photographiais ma propre expérience. En résulte un livre, fruit de ce travail.
Puis, le moment venu, j'ai déménagé à New York.
"No agua, no vida" : un projet engagé
En 2001, j'ai commencé un travail sur le fleuve "Colorado" du sud ouest des Etats-Unis, des montagnes rocheuses, jusqu'au nord ouest du Mexique, dans le golfe de Californie où il est totalement asséché.En 1922, le flux de la rivière était divisé entre 7 Etats américains et le Mexique. Un vaste réseau de barage avait été mis en place afin de calmer le fleuve autrefois tumultueux.
Aujourd'hui, ce n'est plus une rivière mais un vaste système de "plomberie" utilisé pour alimenter l'agriculture dans diverses ville des Etats-Unis ; causant ainsi de graves conséquences, liées au dérèglement climatique et au comportements aberrants en termes de consommation. Nous arrivons à terme de l'exploitation de cette rivière dont 40 millions de personnes dépendent et nous allons au devant d'une grande catastrophe, conséquence de nos désirs.
Ce travail en est le témoignage.
Regard sur un Festival de passionnés
J'ai intégré l'agence MAPS avec d'autres photographes, tous d'origines différentes. C'est à ce moment là, que j'ai décidé de concourir au Festival ImageSingulières. Je suis très heureux et très ému d'avoir reçu ce prix, d'ailleurs, j'ai du mal à réaliser ce qui m'arrive.
Ce travail est né d'une ambition personnelle. Aussi, je suis très heureux qu'il soit ouvert au plus grand nombre.
Que d'autres personnes puissent voir cette série, y trouvent du sens, qu'elles soient connectés émotionnellement avec ce sujet qui me tient à coeur, tout ceci donne du sens à cette cause. C'est vraiment merveilleux.
Egalement, je suis très reconnaissant envers les membres du jury qui ont choisi de mettre en valeur mon travail. Grâce au Grand Prix, je vais pouvoir poursuivre ce projet.
Je tenais à ajouter qu'ImageSingulières est un Festival remarquable qui génère une belle énergie autour de la photographie ; ceci est rendu possible gâce aux personnes passionnées qui y travaillent".
Nous ne manquerons pas le prochain rendez-vous avec ImageSingulières en 2019. Nous avons hâte de voir la suite du travail de John Trotter.